Enfants juifs à Paris, 1939 - 1945

Cet atelier propose à des élèves de cycle 3 et plus de réfléchir et de réagir à l’histoire des enfants juifs parisiens durant la période 1939 -1945.  Les élèves découvrent le quotidien d’enfants dont les familles ont dû faire face à l’arbitraire d’un régime raciste et antisémite.

Dans un premier temps, les élèves découvrent et lisent l’introduction de chaque chapitre. Le professeur constitue alors sept groupes qui reçoivent chacun une pochette avec la consigne de lire les textes, d’analyser les documents et de réaliser l’activité en répondant au questionnaire.

L’activité se poursuit par une restitution orale de chaque groupe au reste de la classe : à tour de rôle, chaque groupe rend compte de ce qu’il a compris du vécu des enfants juifs durant ces années. L’enseignant aura préalablement affiché au tableau les documents d’archives relatifs au thème abordé par les élèves. Ces derniers désignent le document qui, pour eux, illustre le mieux le thème sur lequel ils ont travaillé (ce dernier restant affiché) et ils en donnent leur définition. La mise en commun des travaux des élèves permet d’avoir une vue d’ensemble.

Exposition itinérante : Cet atelier est aussi proposé sous la forme d’une exposition itinérante composée de 10 panneaux et 7 pochettes thématiques. Ils sont prêtés aux établissements scolaires, médiathèques et mairies. Prêt gratuit (hors frais de transport). Pour en savoir plus, merci de renseigner le formulaire.

Présentation 1 minute

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Livret pédagogique

  • Principe et déroulement de l’atelier
  • Les instructions officielles de l’Éducation nationale
  • Liste des documents des 7 pochettes
  • Le sauvetage des enfants parisiens pendant la Shoah
  • Sept activités pour les élèves et les réponses
  • Repères chronologiques
  • Glossaire
  • Qui sont les Juifs ?
  • Questions fréquemment posées par les élèves
  • Carte de la France : zone libre, zone occupée et carte de Paris
  • Mise en réseau
  • L’association L’enfant et la Shoah,Yad Layeled France
  • Remerciements
VIGNETTE-FACE-A-L-HISTOIRE-LIVRET

Par section

1. Être un enfant juif à Paris avant 1939

Environ 320 000 Juifs vivent en France avant la Seconde Guerre mondiale. Un tiers d’entre eux sont nés en France, où ils sont parfois installés depuis plusieurs générations. Les autres familles ont récemment immigré depuis l’est de l’Europe et le pourtour méditerranéen. La majorité vient de Pologne ou de l’URSS. Ces immigrés sont venus en France pour fuir les persécutions antisémites ou pour améliorer leurs conditions de vie, souvent pour les deux raisons. Les Juifs parisiens sont alors environ 150 000 (85 664 Juifs français et 64 070 Juifs étrangers). Certaines familles sont aisées, professions libérales ou cadres, mais la majorité des ménages, artisans ou commerçants, est très modeste. On les rencontre dans tous les arrondissements : ils sont très nombreux à vivre dans le 11e arrondissement, mais aussi vers Saint-Paul, Belleville et Ménilmontant, ou dans les quartiers bourgeois de l’Ouest parisien. Parmi eux, il y a autant de Juifs pratiquant strictement la religion que de Juifs non pratiquants. Les enfants juifs fréquentent les écoles publiques. Avant la guerre, ils vivent une vie ordinaire d’enfants parisiens…

©USHMM – Courtesy of National Archives and Records administration

2. Les enfants juifs sont exclus de la société

Après la défaite militaire de la France face à l’Allemagne, l’armistice est signé par le maréchal Pétain le 22 juin 1940. Son gouvernement débute une politique de « collaboration » active avec l’Allemagne nazie. La France est divisée en deux zones : une zone libre au Sud et une zone occupée par les troupes allemandes au Nord, dont Paris fait partie. Dès octobre 1940, le gouvernement de l’État français, dit « Régime de Vichy », instaure un « statut des Juifs » les mettant à l’écart de la société française : ils n’ont plus le droit d’exercer certaines professions. La vie des enfants juifs est transformée par l’exclusion de leurs parents, victimes d’interdictions de plus en plus radicales. À partir du 6 juin 1942, en zone Nord, tous les Juifs doivent porter l’étoile jaune, dès l’âge de six ans. Quelques semaines plus tard, sous la pression de l’occupant allemand, les enfants n’ont plus le droit d’entrer dans les jardins publics, de fréquenter les piscines ou d’aller en colonies de vacances. Les élèves juifs continuent à être admis dans les écoles élémentaires et les lycées, mais l’accès à l’université est très limité. Les adolescents sont exclus des écoles professionnelles.

Mémorial de la Shoah / CDJC – collection Claude Urman

3. Solidarité

Sauver les enfants

Ayant pris conscience, dès 1941, des risques encourus par les enfants, les oeuvres sociales juives n’ont plus qu’un seul objectif : les sauver. Elles ajoutent à leurs actions d’assistance le placement clandestin et le suivi des enfants juifs. Les enfants trouvent refuge en province dans des familles, dont certaines ignorent qu’ils sont juifs. En novembre 1941, la plupart des organisations juives sont dissoutes à la suite d’une loi du Régime de Vichy, sur pression des nazis. Les enfants sont alors regroupés dans les centres d’accueil de l’UGIF (Union générale des israélites de France), placés obligatoirement sous la tutelle de l’État, et donc à la merci des autorités françaises ou allemandes, qui peuvent les y arrêter pour les déporter. Face à cette menace, dès 1942, des réseaux juifs, interconfessionnels ou laïcs entreprennent l’évacuation clandestine et progressive des maisons de l’UGIF, sauvant ainsi plusieurs centaines d’enfants. Près de 10 000 enfants juifs parisiens ont été sauvés, du fait de leur prise en charge par des réseaux juifs de sauvetage, renforcés par la solidarité de non-Juifs. Les enfants vivent des expériences très différentes : certains sont accueillis chaleureusement et cachés avec leurs parents ; d’autres ont à subir la séparation et les brimades de leur famille d’accueil. Tous partagent en tout cas le même sentiment de peur, l’expérience du changement de nom et de la clandestinité. Ils doivent supporter la douleur des séparations, s’habituer à un nouveau nom, se construire une nouvelle identité, souvent en acceptant de recevoir un baptême chrétien alors même que leurs parents ne sont pas là pour en prendre la décision ou s’y opposer. De plus, ils doivent apprendre des prières chrétiennes. Tout cela est très angoissant pour eux, sans oublier que la plupart découvrent la vie à la campagne alors qu’ils ne connaissent que la ville.

©Mémorial de la Shoah / CDJC – collection OSE

3 bis - Fuir en Suisse

Dans leur tentative d’échapper aux arrestations, de nombreux juifs essaient de passer illégalement la frontière et de se réfugier en Suisse, pays neutre qui n’est pas envahi par l’Allemagne nazie. Leur passage clandestin est organisé par différents réseaux de résistance tels que la CIMADE, l’OSE (réseau Garel), Corvette, Vélite-Thermopyles et la Résistance belge… Sur les 28 000 réfugiés juifs qui sont accueillis, environ 2 500 sont des enfants. Pour les aider à fuir, on organise par exemple une partie de football vers la frontière d’Ambilly (Savoie). Lorsque le ballon passe de l’autre côté, des enfants courent le récupérer. Autour de la période de Noël, des enfants traversent la frontière dans la région de Saint-Cergues (Haute-Savoie) pour aller cueillir du houx. Dans les deux cas, ces derniers ne reviennent pas aussi nombreux qu’ils sont partis. D’autres enfants transitent par la gare d’Annemasse (Haute- Savoie) dont le maire Jean Deffaugt a mis en place une filière clandestine vers la Suisse, venant en aide à la résistance juive. Une fois en Suisse, les enfants sont pris en charge par la Croix- Rouge et par le Comité suisse d’aide aux enfants d’émigrés. Ils sont hébergés dans des maisons d’enfants ou placés dans des familles d’accueil, où ils vivent jusqu’à la fin de la guerre.

©Photographie de Maurice Vuez, 1943

4. 1942 : On arrête et on déporte les enfants

Les premières arrestations massives de Juifs par la police française ont lieu au cours de l’année 1941 à Paris. Elles concernent d’abord des hommes, et donc des pères de famille. Leurs enfants se retrouvent dans la détresse et la pauvreté. À partir du 6 juin 1942, tous les Juifs âgés de plus de six ans doivent porter une étoile jaune cousue sur leur vêtement. Sur cette étoile est inscrit le mot « Juif ».

Il faut essayer de se représenter le sentiment d’humiliation qu’ont pu ressentir les enfants et les réactions de leurs camarades face à cette stigmatisation. La grande rafle parisienne des 16 et 17 juillet 1942 est la première à concerner les enfants à partir de l’âge de deux ans. Elle conduit à l’arrestation de 13 152 personnes, dont 4 115 enfants.

Ces familles avec enfants sont internées au Vélodrome d’Hiver (le « Vél d’Hiv’ »), dans le 15e arrondissement. Les conditions d’hygiène et de vie y sont épouvantables. Les autorités sont sans pitié. Dès le 19 juillet 1942, ces jeunes Parisiens juifs sont internés dans deux camps du département du Loiret. Là, ils sont brutalement séparés de leurs parents qui sont déportés. Un mois plus tard, tous ces enfants, à partir de l’âge de deux ans, sont progressivement transférés au camp de Drancy, puis déportés. Ils sont assassinés au camp d’Auschwitz-Birkenau installé par les nazis sur le territoire polonais.

©Mémorial de la Shoah
©Mémorial de la Shoah

5. Vivre caché

La rafle du Vél d’Hiv’, en juillet 1942, choque la population qui en est témoin. Jusque-là, l’exclusion des Juifs ne suscitait guère de réactions. Prenant conscience de la gravité des lois antijuives, de nombreux Parisiens ont des réactions de solidarité. Des voisins, des amis ou encore des camarades de classe décident de venir en aide aux familles juives persécutées. Des réseaux de sauvetage se créent ; interconfessionnels, laïcs, catholiques, protestants, ils vont permettre la survie de nombreux enfants juifs parisiens. Les enfants de tous âges, que l’on réussit à cacher, sont contraints de dissimuler leur identité en changeant de nom, parfois plusieurs fois. Pour échapper au danger des arrestations, ils doivent s’adapter à des environnements différents pendant des mois, voire des années. Des organisations telles que l’OEuvre de secours aux enfants (OSE), le Comité Amelot, les Éclaireurs israélites (à partir de 1942) ou la Wizo, participent à cette action de sauvetage des enfants juifs à Paris. L’Union générale des Israélites de France (UGIF) assure l’accueil des enfants dans ses centres parisiens des rues Lamarck, Vauquelin, Guy Patin ou Montevideo, ou en dehors de Paris, à Montreuil, Saint-Mandé, La Varenne… Sur les 35 000 enfants juifs de moins de 15 ans qui résident encore dans le département de la Seine en 1941, 3 500 environ séjourneront dans l’un de ces foyers. Rapidement, regrouper les enfants juifs dans un seul lieu devient trop dangereux. Les soldats allemands et les policiers français viennent régulièrement arrêter des enfants dans les maisons de l’UGIF.

©Mémorial de la Shoah / CDJC – collection Yoram Degani

6. Survivre à la guerre et se reconstruire

En 1945, avec la fin de la guerre, les enfants séparés de leurs familles espèrent le moment des retrouvailles. Elles n’auront pas toujours lieu, en raison de l’assassinat des parents, des frères ou des soeurs.

Aussi, à la fin de la guerre, on compte en France plus de 15 000 enfants juifs orphelins. D’autres retrouvent leurs parents après une longue séparation. Leurs parents étant trop affaiblis, sans ressources et sans logement, ce sont des oeuvres juives qui vont les accueillir, pour une période plus ou moins longue ou jusqu’à leur majorité. Elles accueillent dans leurs maisons beaucoup d’enfants qu’elles avaient cachés et sauvés.

Dans l’immédiat après-guerre, ces enfants doivent reconstruire leur vie. Ils ne trouvent pas toujours leur place entre leur famille disparue et un avenir difficile à envisager. À la fin des années 1970 et dans les années 1980, les enfants juifs qui ont survécu à la guerre commencent à prendre publiquement la parole, notamment grâce à l’Association des fils et filles des déportés juifs de France (FFDJF), présidée par Serge Klarsfeld.

Musée de la Résistance nationale à Champigny sur Marne. Fonds Diamant/ UJRE

7. Mémoire : D’hier à demain

Devenus adultes, parents et grands-parents, les enfants survivants de la tentative d’extermination des Juifs d’Europe par les nazis commencent à raconter leur histoire. Ils expriment leur gratitude à ceux qui les ont sauvés. Ils les font reconnaître Justes parmi les Nations. En France, plusieurs événements ont contribué à faire sortir cette histoire du silence et à forger notre mémoire :

– en 1987, le procès de Klaus Barbie, haut-fonctionnaire nazi qui a orchestré l’arrestation et la déportation des 44 enfants juifs de la Maison d’Izieu, est suivi par tous les médias ;

– en 1995, le président de la République, Jacques Chirac, reconnaît la responsabilité de l’État français, sous le Régime de Vichy, dans la déportation des Juifs de France.

Depuis 2000, chaque 16 juillet, une journée de commémoration rappelle le souvenir des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français sous le Régime de Vichy et rend hommage aux Justes de France.

Depuis 2007, au Panthéon, une plaque honore les Justes et au Mémorial de la Shoah, à Paris, on peut lire leurs 3 000 noms. 342 d’entre eux étaient parisiens. Aujourd’hui, à Paris, sur des façades d’écoles et dans des jardins publics, des plaques rappellent que les enfants juifs ont été pourchassés, arrêtés, déportés pendant la guerre. Uniquement parce qu’ils étaient juifs.

©Laurent Klein